Cinq
femmes de chair, cinq femmes de pierre, de leurs yeux
clos - sauf une, ironique, qui sourit - nous regardent
en se regardant.
Précision
des moulages à l'enveloppement étroit,
elles n'existent comme doubles que par le travail du
sculpteur. Ici aussi la réalité n'existe
que par sa re-création.
L'obsession de la précision où se rencontrent
modèles et artiste, de la quête de la réalité
dans sa plus grande singularité, ouvre seule
au plus général et à la matérialité
la plus universelle et la plus secrète de l'existence
de soi.
Cette
vision héautoscopique qu'affrontent ces femmes
qui la réclament, nous est jetée au visage
après les avoir bouleversées elles jusqu'au
vertige. Vertige de leur matérialisation devant
chacune d'elle, vertige qui nous saisit à notre
tour quand nous tournons autour de ces corps de pierre.
Cinq
femmes, toutes dissemblables dans la totale originalité
jamais redoublée de l'anatomie, et c'est la même,
la seule Vénus.
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Et
Vénus dans sa féminité crue de
tous ses replis de chair, c'est l'Autre, l'Autre de
tous.
Si
irréelles de Réel, elles sont, elle est
soi devant soi, et c'est cela qui saisit tout spectateur
devant une uvre de Gérard Bignolais. La
respiration se suspend devant cette chair de pierre
immobile ; le mouvement perpétuel de la vie un
instant pourtant arrêté, de la vie, de
notre vie.
Gérard
Bignolais sculpte par la matérialité l'irréel,
l'éternité par le temps suspendu, et,
par les yeux clos de sa Vénus aux mille corps
uniques, nous envoie, du dehors, l'image la plus dense
de notre existence et en même temps la plus étrange.
C'est
de là que vient le choc de la rencontre avec
ses uvres.
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